Fig. 1 Découverte des premiers vestiges durant le décapage (cl. CARA).

Les vestiges de l’agglomération antique de Nasium se développent sur les communes de Saint-Amand-sur-Ornain, Boviolles et Naix-aux-Forges (Meuse). Ce site exceptionnel constitue le cadre idéal pour développer les questions liées à l’urbanisation des Gaules entre la fin du Second âge du Fer et le début de l’Empire romain. En effet, ce vaste complexe archéologique regroupe un oppidum gaulois, principalement occupé au Ier s. av. notre ère, auquel succède une agglomération romaine dont le statut de capitale de cité ne fait aujourd’hui plus de doutes.

Afin de documenter les premières occupations romaines de l’agglomération, une fouille placée sous la responsabilité de Marion Legagneux et Miguel Rodriguez a été engagée durant l’été 2017 au cœur des quartiers résidentiels antiques (fig. 1). Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’un programme collectif de recherches porté par le CARA et dirigé par Bertrand Bonaventure (Archeodunum SAS – UMR Arar) qui vise à comprendre les dynamiques d’urbanisation entre l’oppidum gaulois et la ville romaine.

Fig. 2 Vue aérienne de la fouille et de l’ensemble des vestiges mis au jour (cl. J.-C. Stuka)

Cette première campagne a permis la mise en évidence d’une domus – grande habitation urbaine – qui occupe l’intégralité d’une insula (parcelle lotie), installée le long d’une des voies structurant la trame urbaine de l’agglomération romaine (fig. 2).

D’après les données tirées des prospections géophysiques permettant de cartographier les vestiges du sous-sol, cette voie pourrait constituer l’axe viaire primitif de l’agglomération. En effet, sa largeur, son implantation au centre de l’agglomération et le fait qu’elle semble s’infléchir pour se diriger vers l’oppidum gaulois pourrait indiquer qu’elle a été mise en place dès la fondation de l’agglomération romaine, voire qu’elle constituait déjà un chemin d’accès à l’oppidum. La recherche d’éléments de datation concernant cet aménagement est donc essentielle à la compréhension des phases précoces du site.

Fig.3 Détail de la voie et des aménagements postérieurs (cl. CARA)

La domus constitue également un point essentiel dans la compréhension du phénomène urbain à Nasium. Occupée entre le Ier et le IIIe siècle de notre ère, elle rend compte du haut niveau social de ses occupants. Le mur de façade, qui donne sur la voie (fig. 3), est finement exécuté. Réalisé en moellons de petit appareil et de joints tirés au fer, il alterne pierres calcaires et calcaire oolithique de teintes différentes lui octroyant un rythme ornemental. La toiture est en dalles sciées (pierres de savonnière) et disposée sur une importante charpente en chêne. La découverte à l’angle oriental du mur de façade d’un acrotère polychrome figurant le buste d’une jeune femme portant un collier de perles indique clairement le caractère ostentatoire à la demeure (fig. 4).

Fig.4 Cliché de l’acrotère féminin – vue de face et de trois-quarts (cl. CARA)

 

Fig.5 Détail des enduits peints à décor végétal provenant de la cour centrale (cl. CARA)

L’aménagement intérieur est relativement simple : le bâtiment s’articule autour d’une grande cour centrale ornée d’enduits peints effondrés en place (fig. 5), les pièces à vivre se développant sur le pourtour de cette dernière. La plus longue d’entre-elles, qui se développe parallèlement à la voie, pourrait être interprétée comme une pièce de réception.

Fig.6 Détail du plancher conservé par l’incendie provenant de l’une des pièces de service (cl. CARA)

Dans la partie orientale de la maison, des espaces plus petits, pourvus de planchers en chêne conservés à la faveur d’un incendie, desservent également la cour centrale (fig. 6). Au nord, un aménagement sur hypocauste a pu être identifié (fig. 7). Un espace encaissé permettait d’accueillir un foyer, tandis que le niveau de circulation était surélevé et maintenu au-dessus de la salle de chauffe par un système de pilettes en briques. Ce système de « vide sanitaire » permettait ainsi de chauffer le niveau de sol de la suspensura. Cet aménagement fait partie des derniers remaniements de la domus, attestant de la pérennité de celle-ci jusqu’alors datée de la première moitié du Ier jusqu’au IIIe siècle de notre ère.

Fig.8 Vue d’ensemble de la pièce excavée pour l’installation de l’hypocauste (cl. CARA)

La poursuite de la fouille à l’été 2018 visera à mieux comprendre les différents aménagements et à identifier les niveaux les plus précoces, dans l’objectif d’établir une chronologie complète et précise du site. Les informations recueillies permettront alors de préciser les modalités d’installation du quartier dans lequel s’inscrit cette domus, et de compléter les données concernant les modes de construction dans l’ancienne capitale des Leuques.

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