Le programme de recherche Métallurgie en Ardenne, débuté en 2015, repose sur deux axes forts : un espace géographique cohérent – le massif ardennais et ses marges – et une approche diachronique. Son objectif est de documenter les évolutions techniques et économiques de la production métallurgique sur le temps long, dans l’espace géographique du massif ardennais. Il est né en 2014 suite à un constat : le déficit d’études consacrées la métallurgie ardennaise, notamment pour les périodes anciennes, dans un département où l’activité métallurgique est pourtant un des moteurs principaux de l’économie du XVIe siècle jusqu’au milieu des années 1970 (Colinet 2001). Si quelques synthèses existent, notamment les travaux de l’inventaire sur les sites d’élaboration et de transformation (Balsamo dir., 1991) et la synthèse de Léon Voisin sur l’extraction du minerai de fer dans les Ardennes (Voisin, 1994), celles-ci ne concernent que les périodes les plus récentes, du XVIe siècle à nos jours. Il existe donc un véritable hiatus chronologique que seule l’archéologie peut combler.
La synthèse des données issue de la compilation de l’ensemble de la documentation archéologique, historique et toponymique disponible – réalisée sous forme de base de données – met clairement en évidence l’existence de trois « districts » métallurgiques (fig. 1), au sens de zones clairement délimitées de concentration d’activité métallurgique (Mangin et alii 1992) : l’Argonne ardennaise (district 1), au sud-est du département, le plateau du Dogger, correspondant à la zone des crêtes préardennaises (district 2) et le massif ardennais proprement dit (district 3). Ce dernier district présente une faible densité de sites, à l’exception de son extrémité ouest, à la limite de la dé- pression péri-ardennaise. La géologie expliquerait cette moindre densité, en raison du faible potentiel minéralogique du massif ardennais (Voisin 1991).
Au vu de ces données, la pertinence de l’espace géographique constitué par l’Ardenne et les Crêtes préardennaises se confirme. Le district de l’Argonne, trop excentré, appartient à un autre espace géographique et se rattache davantage à la Lorraine qu’à l’Ardenne. Le faible nombre de sites recensés antérieurs au XVIe siècle montre également l’intérêt d’une recherche sur le temps long, s’appuyant sur les données existantes pour en combler les lacunes. Un premier programme de re- cherche (2015-2016) a donc été mis en place, sous forme de prospections pédestres, avec un double objectif : vérifier les données disponibles, afin d’en combler les lacunes (notamment les imprécisions des localisations) et détecter de nouveaux sites. Le programme de prospection initial devait se concentrer sur la phase extractive, mais face à l’intrication des sites, il a été élargi à l’ensemble de la chaîne opératoire métallurgique.
Ces campagnes de prospection ont mis en évidence l’existence de nombreux sites d’extraction, concentrés essentiellement dans les vallées de la Meuse et de la Semoy. Il s’agit surtout de sites de petite dimensions, sous forme d’extraction en tranchées, mais dont la densité peut être importante, comme sur la commune de Deville, sous le toponyme les Terres rouges où une dizaine de minières ont été repérées. Quelques rares extractions sous forme de galeries ont également pu être documentées. Ces deux campagnes de prospection ont concerné au total 67 sites (tout type et datation confondus), majoritairement inédits, dont 27 sites d’extraction, 4 sites d’élaboration, 1 site de trans- formation. Les sites découverts sont d’importance variable, mais peuvent atteindre des superficies de plusieurs hectares, comme à Deville les Terres Rouges.
Le travail de prospection a montré le fort potentiel archéologique du massif ardennais, au vu des faibles surfaces prospectées. Les sites se concentrent dans les vallées, sans doute en raison de l’affleure- ment des roches dû à l’érosion, qui facilite le travail de recherche du minerai (Pieters 2021). L’impression de plus faible densité de sites sur le massif ardennais est donc en grande partie causée par la nature des sources employées pour la réalisation des synthèses précédentes. Ce travail de prospection pédestre a néanmoins montré ses limites. Le couvert forestier et les forts dénivelés ne permettent de couvrir que de faibles surfaces. En l’absence d’information pour cerner une zone précise (topographie, toponyme, site déjà recensé…), les prospections pédestres sont relativement inefficaces sur notre zone d’étude. En outre, les sites détectés ne peuvent être datés et l’information reste limitée en l’absence de fouille. D’où l’importance de développer, en parallèle à une approche globale par la prospection et l’étude des sites à large échelle, des projet de fouille ciblés, afin de répondre à des problématiques plus précises.